"On a parlé du sort des victimes"

De "grandes lacunes" sont apparues dans la préparation aux conséquences d'une éventuelle guerre contre l'Irak, a affirmé hier la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. Elle a souligné en particulier le manque de financement.

La Suisse a réussi à mettre au premier plan des préoccupations la situation humanitaire de la population irakienne, a affirmé la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères, dans une déclaration transmise à la presse au terme d'une conférence ayant réuni à Genève depuis samedi 21 organisations et 30 Etats.

La conseillère fédérale a ajouté: "Pour une fois, on n'a pas parlé des préparatifs militaires, mais du sort des victimes." Elle a souligné que "la situation en Irak est beaucoup plus mauvaise que ce que l'on a pensé". Micheline Calmy-Rey a rappelé que 60 % de la population dépendent directement du programme "Pétrole contre nourriture", qui serait interrompu en cas de guerre.

La Suisse va s'employer à créer un groupe informel pour développer le dialogue sur les questions humanitaires en Irak a indiqué Micheline Calmy-Rey. Cette proposition n'a pas recueilli de consensus, plusieurs participants estimant que les mécanismes de coordination existants fonctionnent bien et qu'il ne faut pas les multiplier.

Les conclusions de la rencontre ont été transmises à l'ONU et à l'Union européenne. Pour sa part, le chef de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et président de la réunion, Walter Fust, a surtout insisté sur la nécessité d'augmenter le soutien aux pays voisins de l'Irak.

Ceux-ci, notamment la Jordanie, ont lancé un appel en ce sens ce week-end à Genève. De leur côté, ils ont été rappelés à leur obligation de laisser les frontières ouvertes. La Turquie a indiqué qu'elle fera face à ses obligations internationales.

Seuls les Etats-Unis n'ont pas répondu à l'invitation, estimant que cette conférence n'était pas nécessaire. Aucun représentant de Bagdad n'avait été invité, pour éviter de politiser la conférence.

ATS, Le Matin, 2003

 

 

"Tout ce qui est possible doit être fait"

Hier, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a ouvert une plate-forme de dialogue destinée à partager l'information entre pays voisins, donateurs et organisations humanitaires. En espérant résultats et mesures concrètes.

Hier, Genève était dans le brouillard, jusqu'à l'apparition souriante de la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, qui ouvrait une conférence humanitaire sur l'Irak. Devant un parterre d'environ 150 participants - parmi lesquels le haut commissaire aux réfugiés Ruud Lubbers et le président du CICR Jakob Kellenberger -, la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a voulu rappeler "les conséquences dévastatrices d'un possible conflit", précisant: "J'ai souhaité vous inviter, non pas parce que je crois une guerre inévitable, mais parce qu'il est temps que le monde porte son attention sur le sort des populations civiles."

Elle est repartie à peine un quart d'heure après son entrée. Elle n'a pas précisé si elle se rendait directement à Berne pour manifester.

La première mi-temps de cette plate-forme de dialogue avait pour thèmes principaux la situation actuelle de la population irakienne et la planification des opérations humanitaires. Un ordre du jour confirmé à la fin de la séance - jugée studieuse et appliquée par des observateurs -, par Walter Fust, directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC): "Nous avons débattu de la crise humanitaire qui existe déjà en Irak, plus grave que ce que peut penser l'opinion publique, et qui elle-même justifie cette conférence."

Aucune mesure concrète ne sera prise à la fin de ces deux journées de meeting, "il ne s'agit pas de séances pour trouver des solutions, mais notre but est d'adresser les questions à ceux qui pourront les résoudre", poursuit Walter Fust. En face des 21 organisations et des 29 Etats présents, les Etats-Unis ont décliné l'invitation, l'Irak a été écartée pour ne pas causer de remous; quant à la France, elle avait pris le parti d'observer les débats en tant qu'observateur. Walter Fust s'est par ailleurs félicité que les participants aient tenu une discussion d'un point de vue strictement humanitaire, sans qu'aucune considération politique ne soit venue interférer dans le débat.

Aujourd'hui, il sera notamment question de la coopération internationale sur le plan humanitaire, mais également, thème qui ne devrait pas manquer d'être abordé, du comportement qu'adopteront les pays voisins dans le cas où il n'y aurait pas que des civils à fuir l'Irak.

Maxime Pégatoquet, dimanche.ch, 16.02.2003

 

 

Les limites de Calmy-Rey

L'initiative de la ministre des Affaires étrangères était audacieuse. Mais elle ne devrait pas modifier la position de Conseil fédéral, qui reste alignée sur celle des Nations Unies

L'appel puissant de la rue va-t-il doper le Conseil fédéral dans son engagement contre la guerre en Irak? La réponse ne pourra que décevoir la foule mobilisée hier à Berne. Certes, Micheline Calmy-Rey a donné l'image d'une Suisse qui tiendrait la dragée haute aux Américains et qui se place du côté des victimes. Mais la position officielle du gouvernement va rester ce qu'elle est, à savoir un alignement sur l'ONU et, par conséquent, la prise en compte d'un conflit armé.

Cette position médiane a été confirmée vendredi par les services de Micheline Calmy-Rey. Hier, la ministre des Affaires étrangères allait-elle avancer d'une case en ouvrant la réunion internationale d'experts humanitaires qu'elle a convoquée à Genève? Pour une fois, la conseillère fédérale s'est contentée de prononcer un discours attendu. Devant 150 participants représentant 21 organisations et 29 Etats, elle s'est tout de même montrée politique: "J'ai souhaité vous inviter, non pas parce que je crois une guerre inévitable, mais parce qu'il est temps que le monde porte son attention sur le sort des populations civiles."

Cette tirade rejoint ce que certaines organisations humanitaires réclament haut et fort: plus on étalera au grand jour la tragédie humaine annoncée en Irak, mieux le spectre d'une guerre pourra être combattu. Amnesty International a notamment fait pression sur l'ONU pour que les discussions sur les conséquences civiles d'une guerre sortent du cadre confidentiel.

Rattrapée par les contradictions et les limites de son initiative, Micheline Calmy-Rey a pourtant dû fermer la porte derrière elle. Les représentants français, eux, ne s'en plaindront pas, puisqu'ils ont tenu jusqu'au bout à s'en tenir à un rôle d'"observateurs", prétextant ne pas vouloir donner l'impression de préparer une guerre qu'ils refusent.

Hier soir, Walter Fust, directeur de la DDC et président de la réunion, a toutefois relevé une volonté unanime d'"alerter l'opinion publique de la profonde détresse dans laquelle se trouve le peuple irakien, sans même parler d'une guerre". Aux questions cruciales de l'ouverture des frontières des voisins de l'Irak et du financement de l'aide humanitaire, la réunion ne pourra servir que de levier de pression, mais pas de lieu de décision. C'est ce que Walter Fust nomme "la valeur ajoutée" de l'initiative suisse. Pour lui, elle a déjà poussé l'ONU à oser prévenir plus directement les conséquences d'une guerre. Quant à l'empêcher...


Ludovic Rocchi, Le Matin, 16.02.2003
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