Le G8 adresse un message de confiance à un monde en crise

Le sommet est entré dans le vif des dossiers. Bush et Chirac tournent la page. Mais les sujets de discorde restent.

Au deuxième jour du Sommet d'Evian, les membres du G8 ont affiché hier leur volonté de réconciliation après  la guerre en Irak pour adresser un "message de confiance" dans la capacité de rebond de l'économie mondiale et pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive. Dans cette ambiance "très positive", George W. Bush et Jacques Chirac ont exprimé leur désir de renouer de "bonnes relations". Après le "dialogue élargi" organisé dimanche avec plusieurs pays émergeants, les Huit (Etats-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Canada et Russie) se sont retrouvés entre eux hier matin pour une première séance de travail consacrée aux moyens de relancer l'économie mondiale.

Confrontés à une croissance en panne en Europe, aux Etats-Unis et au Japon, les membres du G8 ont été obligés de refaire leur unité pour délivrer un "message de confiance" aux agents économiques, selon la formule de Jacques Chirac. Même la question délicate des taux de change a fait l'objet d'une discussion "consensuelle", selon l'Elysée. Les Européens s'inquiètent de la baisse continue du dollar sur les marchés des changes, et soupçonnent Georges W. Bush de laisser délibérément filer le billet vert pour relancer l'économie américaine.

Soucieux de redonner "confiance" aux investisseurs, les membres du G8 ont adopté trois déclarations communes sur le commerce, la promotion d'une "économie de marché responsable" et la lutte contre la corruption. Dans la perspective de la réunion ministérielle de septembre prochain de l'Organisation mondiale du commerce à Cancun (Mexique), ils ont exprimé leur détermination à conclure, "d'ici à la fin de 2004" et "dans les délais prévus", le cycle de négociations commerciales multilatérales ouvert en novembre 2001 à Doha (Qatar). Les Huit ont aussi conclu un "accord pour se mettre d'accord" avant Cancun sur l'épineuse question de l'accès des pays pauvres aux médicaments génériques produits par les laboratoires pharmaceutiques des pays développés.

Le G8 s'est engagé par ailleurs à "contribuer de manière active" à l'aboutissement d'une convention des Nations Unies contre la corruption. Après les questions économiques, les Huit ont consacré leur déjeuner aux dossiers politiques. Ils ont adopté sept déclarations et plans d'action sur la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, présentée comme "la principale menace qui pèse sur la sécurité internationale", et la sécurité des transports aériens.

Ces discussions ont pleinement satisfait M. Bush. "Une Europe unie travaillant avec l'Amérique peut faire beaucoup de bien sur des questions telles que la lutte contre le terrorisme et la prolifération", s'est félicité le président américain. Dans l'après-midi, le G8 s'est penché sur le deuxième thème du sommet, la solidarité avec les pays pauvres. Plusieurs plans d'action devaient être adoptés sur la faim dans le monde ou la question de l'eau.

E. Georges-Picot, La Liberté, 03.06.2003

Wade: "Lula n'est pas réaliste"

Pour le président sénégalais Abdulaye Wade, l'idée de son homologue brésilien d'un impôt sur les armes pour lutter contre la faim est séduisante mais pas réaliste. Lui ne croit pas à l'annulation de la dette, mais aux investissements privés. Invité au Sommet du G8, le Sénégal est un des cinq pays initiateurs du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique). Alors que les grands de ce monde discutent de la dette, Abdoulaye Wade, président du Sénégal, donne son regard. Interview.

Au moment du Sommet du G8, où en est la mise en oeuvre du NEPAD?

Après deux ans de discussions, ce sommet doit effectivement aboutir à des décisions concrètes. Les pays du NEPAD doivent agir en partenariat avec ceux du G8, afin que chacun y gagne quelque chose. Depuis l'indépendance, les stratégies reposent sur l'aide. Mais sur l'objectif international des 0,7 % du PIB consacrés à l'aide au développement, on n'a pas fait la moitié du chemin. La Suisse en est loin aussi. Les prêts ont abouti à l'endettement. La voie est sans issue. Moi, je crois aux alliances entre secteurs public et privé. En mars 2000, nous avons lancé un appel au secteur privé. En 2001, nous avions mille milliards de francs (2,5 milliard de fr.) et le double en 2002. Voilà un résultat concert qui permet de faire avancer le pays.

Le président brésilien Lula vient de proposer un Fonds international contre la faim financé par des taxes sur les ventes d'armes.

M. Lula est d'origine ouvrière. Ses conceptions se rapprochent de celles de l'abbé Pierre. Théoriquement, il a raison, mais j'ai une crainte: il est au pouvoir depuis trois mois à peine, les difficultés de la gouvernance lui sont encore peu familières. Cette bonne idée proposée ne me paraît pas réaliste. Par exemple, dans certains pays, comme l'ex-Union soviétique ou la France, la production d'armes est en partie une production d'Etat. Qui va-t-on taxer alors?

Sur les grandes questions de la dette, la santé, les génériques: quelles solution réalisables espérez-vous?

L'Europe veut que l'Afrique prenne en charge son propre développement. Le directeur de la Banque mondiale a récemment souhaité que les chefs d'Etat européens donnent toute l'assistance nécessaire au NEPAD. Je ne pense pas que les pays développés soient de mauvaise foi, mais ils ont leurs propres règles. Chirac ou Schröder ont été élus par leurs citoyens. Ils sont liés par leurs mandats. Quand on demande la suppression des subventions agricoles, il faut être réaliste. Le président qui supprime les subventions, vous pouvez être sûrs qu'il tombe le lendemain. Même si ces mesures sont injustes par rapport à nous. J'ai rencontré Bush récemment. L'homme se disait contre les subventions. Pourtant trois mois plus tard, il les augmentait... Le monde est ainsi fait.

Quel message voulez-vous donner aux altermondialistes?

Je leur exprime toute ma sympathie. Mais ils ne peuvent pas nous condamner, nous, les chefs d'Etat du Sud en même temps que ceux du G8. Nous faisons ce que nous pouvons.

L'accord de transit pour le renvoi de requérants d'asile africains entre la Suisse et le  Sénégal a été rompu. Que s'est-il passé?

Cet accord a été fait par des personnes du Ministère des affaires étrangères sans que le premier ministre ni moi-même soyons informés. C'était une erreur de départ, je reconnais la responsabilité de mon gouvernement. Nous venons d'ailleurs de conclure un gentleman's agreement avec la France. Si la France veut expulser des Sénégalais, qu'elle nous avertisse, nous venons les chercher nous-même. Pour l'instant, la Suisse ne m'a rien proposé. Mais nous sommes prêts à venir y chercher tout citoyen sénégalais.

Et les autres Africains?

Pour les autres Africains, on verra. Tout le monde n'est pas pur. Un Sénégalais quel qu'il soit, je suis obligé de le prendre. Pour un autre Africain, il faut que je regarde.


Carole Vann, La Liberté, 03.06.2003
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