Le Prix Nobel de la paix va à une femme musulmane: une première.

Le Prix Nobel de la paix 2003 a été attribué hier à Oslo à la militante iranienne des droits de l'homme Shirin Ebadi. Certains auraient préféré voir Jean-Paul II honoré.

Madame Ebadi, âgée de 56 ans, est la première femme musulmane à être distinguée du prestigieux prix. Il lui a été décerné "pour ses efforts en faveur de la démocratie et des droits de l'homme", a annoncé le comité Nobel. L'Iranienne, 11e femme à recevoir le prix, l'a emporté parmi 165 candidats, dont le pape Jean-Paul II et l'ancien président tchèque Vaclav Havel.

Dans une première réaction, elle a déclaré que cette récompense allait "à tous les Iraniens qui se battent pour la démocratie". "L'islam n'est pas incompatible avec les droits de l'homme", a ensuite affirmé l'avocate iranienne lors d'une conférence de presse à Paris. Mme Ebadi a aussi profité de sa nouvelle notoriété pour demander "la libération" des prisonniers iraniens "luttant pour la démocratie". Elle a été la première femme juge en Iran avant la Révolution islamique de 1979 qui l'a forcée à quitter son poste. Avocate et enseignante à l'Université de Téhéran, elle oeuvre depuis pour la défense des droits des femmes et des enfants. Elle a joué un rôle-clef en 1997 dans l'élection du président réformateur Mohammad Khatami. La réaction des autorités iraniennes a reflété les luttes entre le gouvernement réformateur et le clergé conservateur. "Ce prix véhicule un message. L'Europe cherche à faire pression sur les droits de l'homme en Iran", a déclaré le rédacteur en chef du journal conservateur "Resalat".

Mohammad Ali Abtahi, vice-président iranien et figure de proue des réformateurs, a lui indiqué que le gouvernement était "heureux qu'une femme iranienne musulmane ait su se faire distinguer pour ses activités en faveur de la paix". Mais il a ensuite affirmé qu'il s'était exprimé "à titre personnel" seulement. Les médias d'Etat n'ont pas encore fait de commentaire. Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) a par contre estimé que ce Nobel de la paix constituait pour les opposants iraniens "un acte contre le fascisme religieux de Téhéran". Les spécialistes soulignent la volonté du comité Nobel, après les attentats du 11 septembre 2001, de promouvoir les courants modérés dans le monde musulman.

Le choix de Mme Ebadi a suscité une autre controverse. L'ancien président polonais et lauréat du Nobel de la paix 1983 Lech Walesa a déclaré que ce choix constituait à ses yeux une "grande erreur". Ce fervent catholique estime que le prix aurait dû revenir à Jean-Paul II. "Il le méritait", ont estimé de leur côté des responsables au Vatican. La communauté catholique Sant'Egidio a toutefois estimé que le choix de Mme Ebadi était "une grande chance".

Le souverain pontife devait d'ailleurs adresser un message de félicitation à la lauréate,  a dit une source vaticane. Il était donné comme favori, en raison de son état de santé déclinant, du 25e anniversaire du début de son pontificat en 2003, de sa contribution à la chute du communisme et de son opposition à la guerre en Irak. Certains observateurs pensent que les opinions traditionalistes du pape en matière de contrôle des naissances ou d'homosexualité l'ont desservi aux yeux du comité Nobel. D'autres estiment que le comité a voulu encourager le changement et la réforme plutôt que recompenser l'oeuvre d'une vie

Ailleurs dans le monde, les réactions ont été enthousiastes. La Commission européenne a salué un "signal très positif pour les droits de l'homme dans le monde islamique". Le Nobel de la paix comprend notamment un chèque de 1,1 million d'euros. La remise du prix se déroulera à Oslo le 10 décembre, date anniversaire de la mort d'Alfred Nobel.

AFP, La Liberté, le 11.10.2003
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